Le futur de l’expérience patient inspiré par le management de l’expérience client
Auteurs: Philippa Hunter-Jones, Département de marketing, Université de Liverpool, Liverpool, Royaume-Uni ; Nathaniel Line, Dedman School of Hospitality, Florida State University, Tallahassee, Floride, États-Unis ; Jie J.…
Auteurs: Philippa Hunter-Jones, Département de marketing, Université de Liverpool, Liverpool, Royaume-Uni ; Nathaniel Line, Dedman School of Hospitality, Florida State University, Tallahassee, Floride, États-Unis ; Jie J. Zhang, Université de Victoria, Victoria, Canada ; Edward C.Malthouse, Department of Integrated Marketing Communication, Northwestern University, Evanston, Illinois, États-Unis ; Lars Witell, Centre de recherche sur les services, Université de Karlstad, Karlstad, Suède et Département de génie industriel et de gestion, Université Linköping, Linköping, Suède, et Brooke Hollis, Cornell University, Ithaca, New York, États-Unis
Objectif : Cet article examine la question: que se passerait-il si les prestataires de santé, comme leurs homologues de l’industrie hôtelière, adoptaient les principes de la gestion de l’expérience client (Customer Experience Management en anglais ou CEM) afin de faciliter une expérience des patients plus holistique et personnalisée ? Il propose une vision alternative de l’expérience du patient, en s’ajoutant au corpus de la littérature sur l’hospitalité-santé, cette fois en se centrant sur la CEM. Un cadrage de l’expérience patient axé sur l’hospitalité (HOPE) est introduit, conçu pour améliorer l’expérience du patient à travers tous les points de contact de son parcours de soins.
Conception / méthodologie / approche : Il s’agit d’un article conceptuel qui s’appuie sur trois registres de littératures distinctes: la littérature hôtelière; littérature sur la santé; et littérature sur la CEM. Il utilise cette littérature pour développer un cadre, le cadre HOPE, conçu pour offrir une optique alternative pour comprendre l’expérience du patient. L’article utilise des descriptions de trois expériences uniques de patients, une liée à la douleur chronique, une deuxième aux problèmes gastro-intestinaux et une troisième aux problèmes orthopédiques, pour illustrer comment l’adoption des principes de la gestion de l’hospitalité, dans un contexte de soins, pourrait favoriser une meilleure expérience du patient.
Résultats : La principale contribution théorique est le développement du cadre HOPE, qui associe la recherche sur la CEM et la recherche sur les pratiques client co-créatives dans les soins de santé. En sélectionnant et en reliant les ingrédients clés de deux axes de recherche distincts, cette vision et ce paradigme offrent une perspective alternative sur les moyens de relever les principaux défis de la mise en œuvre de soins centrés sur la personne dans les services de santé.
Le référentiel HOPE offre une feuille de route exploitable pour les établissements de santé afin de parvenir à une meilleure compréhension et d’opérationnaliser de nouvelles façons d’améliorer l’expérience du patient.
Originalité / valeur : Cet article applique les principes de l’hospitalité et du CEM au domaine des soins et de la santé. Ce faisant, il ajoute de la valeur à une littérature hôtelière principalement axée sur les relations entre employés et clients. À une documentation sur les soins en santé visant à mieux comprendre un modèle de soins centrés sur la personne généralement dispensé par une équipe de soins composée de professionnels et de membres de la famille / amis. Et à une littérature sur le CEM dans le domaine de l’hôtellerie, qui cherche à faciliter les interactions employés-clients . La connexion de ces flux de littérature séparés permet d’introduire un cadre conceptuel original, le cadre HOPE.
Mots clés : Gestion de l’expérience client, Soins centrés sur la personne, Co-création, Valeur partagée, Conception d’expérience multipartite
Type d’article: Document conceptuel
Cet article se concentre sur la traduction du cadre conceptuel développé dans cet article, le référentiel de l’expérience patient axé sur l’hospitalité (HOPE)
Le cadre HOPE (voir la figure 1) est le résultat d’un examen et d’une conceptualisation poussée des publications réalisées sur les secteurs de la santé et de l’hôtellerie, pour identifier les domaines de chevauchement qui peuvent être utilisés pour réaliser une symbiose avec les connaissances existantes. Le but de cette proposition d’une approche de la santé basée sur l’hospitalité et la CEM est de garantir qu’en plus de l’amélioration de l’Expérience Patient, une amélioration de la compétitivité organisationnelle puisse également être atteinte. Ainsi, le cadre HOPE n’est pas simplement une incitation de plus à accorder une plus grande attention aux besoins personnels / médicaux du patient, c’est une stratégie commerciale qui suggère que les organisations de soins qui peuvent répondre le mieux à ces besoins ont un avantage concurrentiel. Plus précisément, cette approche intègre les idées (1) d’une vision partagée d’une expérience de soins entre le patient et ses soignants et (2) la conception et la mise en œuvre de cette expérience. Une mise en œuvre réussie du cadre HOPE au niveau institutionnel est proposée pour affecter positivement plusieurs des principaux acteurs de la santé, y compris le patient (et sa famille), les prestataires de soins (par exemple, médecins, infirmières, etc.), l’organisation de santé et la communauté qu’elle dessert.
Comme son nom l’indique, le cadre HOPE est enraciné dans les perspectives contemporaines de la prestation de services d’hospitalité, en s’appuyant particulièrement sur le CEM (Customer Experience Management). L’application de la CEM dans l’hôtellerie, bien qu’elle soit reconnue comme essentielle pour obtenir un avantage concurrentiel (Palmer, 2010), a fait l’objet de peu de recherches. En réponse à cette insuffisance, Kandampully et al. (2018) ont synthétisé la littérature associée dans un programme de recherche ouvrant des opportunités pour l’application de la CEM au-delà de l’hospitalité. Un aspect clé du CEM dans le secteur de l’hôtellerie est de faciliter des interactions employés-clients positives (Bowen et Schneider, 2014). Les employés sont immergés dans un climat valorisant la qualité du service sont motivés et capables de s’engager dans des interactions interpersonnelles pour créer des expériences client mémorables, uniques et positives (Kandampully et al., 2018). De même, des interactions interpersonnelles bien conçues avant, pendant et après les visites médicales sont nécessaires pour bien comprendre les antécédents et la condition médicale unique du patient, les déterminants sociaux et les objectifs de la personne qui demande des soins. Cela contribue à bâtir un terrain d’entente, à élaborer un plan de soins personnalisé et à favoriser une relation à long terme.
De même, le design de services est reconnu depuis longtemps comme un élément central de l’expérience client dans le secteur de l’hôtellerie. Plus précisément, les éléments du paysage des services (c’est-à-dire l’esthétique, la disposition, l’ambiance et l’orientation des installations), la conception de service et les facteurs sociaux font partie intégrante de l’expérience d’hospitalité (Kandampully et al., 2018; Ryu et Jang, 2008; Nixon et Rieple, 2010). Ces facteurs ont un impact sur les dimensions fonctionnelles et expérientielles des interactions entre le patient et l’équipe de soins, comme le montre la littérature émergente sur l’environnement et la conception de la santé (Shepley et Song, 2014).
Sur la base de cette discussion, le cadre HOPE s’appuie sur trois aspects de la prestation de services d’accueil. Pour commencer, il met l’accent sur la construction d’une culture de CEM qui permet une compréhension holistique du patient en tant qu’être cognitif, émotionnel et social. Deuxièmement, il reconnaît l’importance de créer un environnement de service en harmonie avec les besoins cognitifs, émotionnels et sociaux du patient et de sa famille / amis pour faciliter et soutenir le parcours de guérison. Troisièmement, il propose une conception d’expérience multipartite centrée sur la cocréation des soins.
En prenant en compte ces trois principes clés de l’hospitalité, le référentiel HOPE vise à fournir une base théorique intégrale pour résoudre des problèmes liés à l’expérience patient dans une grande variété de milieux de soins. Chacun des aspects associés au cadre HOPE est examiné plus en détail comme suit, en commençant par le concept central de la vision partagée. Plutôt que d’être des bénéficiaires passifs de services de santé, cette vision partagée s’aligne sur la littérature contemporaine sur les soins centrés sur la personne, qui souligne l’importance que la personne qui reçoit des soins soit active (Gallan et al., 2013) et s’engage dans la cocréation de valeurs (McColl-Kennedy et al., 2012, p. 371) pour améliorer leur bien-être (McColl-Kennedy et al., 2017b).
- Vision partagée:
L’interaction principale dans les soins de santé se situe entre les patients et les soignants, comme les médecins et les infirmières; mais elle peut également impliquer les amis et la famille des patients et des prestataires de services externes tels que les centres de rééducation et les pharmacies. La vision partagée promue par le cadre HOPE requiert que les patients et l’équipe de soins s’engagent dans des pratiques co-créatives pour améliorer leur bien-être. Janamian et coll. (2016) ont exploré les avantages de la cocréation de la valeur des soins pour l’usager en santé, concluant que ces pratiques sont liés à des gains d’efficacité; une amélioration des résultats de santé; une confiance accrue; une réduction des coûts de santé pour le patient et le système; une augmentation de la valeur de la recherche médicale; une satisfaction accrue; et l’adhésion aux traitements.
Les pratiques co-créatives comprennent : se mettre d’accord sur la base du traitement, la coproduction, l’apprentissage en commun, l’alimentation et l’exercice, le changement de comportement et la distraction de la maladie (McColl-Kennedy et al., 2017a). Bien que certaines pratiques co-créatives se concentrent sur les interventions médicales, d’autres se concentrent sur des activités visant l’amélioration du bien-être. Pour les interventions médicales, l’hospitalité peut avoir une influence indirecte sur les pratiques, tandis que pour les activités visant à améliorer le bien-être, l’influence est plus directe. Ces idées sont examinées plus en détail dans une discussion sur les deux principaux acteurs chargés de créer une vision commune: le patient et le fournisseur de soins.
Patients: Le cadre HOPE répond aux besoins des patients. Il reconnaît l’évolution actuelle du paysage de la santé, qui a vu passer les patients de la passivité à la proactivité (voir Pasman et al., 2009). Il fait passer les usagers de services de soins «d’utilisateurs et de sélectionneurs» à des «créateurs et façonneurs» de services »(Janamian et al., 2016, p. 12) et répond aux évolutions des tendances en matière de santé des patients qui dominent la société actuelle. Il s’agit notamment des éléments suivants: à l’échelle mondiale, l’espérance de vie a augmenté de près de 20 ans au cours des cinq dernières décennies. Les taux de morbidité globaux n’ont pas changé. Les maladies non transmissibles représentent désormais plus des deux tiers de tous les décès dans le monde et devraient augmenter (OMS, 2012). Le vieillissement de la population et le boom de la mortalité projeté au cours des deux prochaines décennies (NHPCO, 2015) indiquent une demande croissante de services de soins palliatifs à long terme (Bone et coll., 2017; Clark et coll., 1997). Comme les patients vivent désormais plus longtemps avec des besoins plus complexes, qui nécessitent des interventions médicales (Pollock, 2015), la nature des services recherchés est également en évolution. Cette situation est aggravée par les meilleures possibilités d’emploi pour les membres de la famille, familles qui sont plus petites et plus dispersées, ce qui alimentent une demande de services de santé sur place (Clark et al., 1997; Corner et Dunlop, 1997). Ajoutez à cela le niveau plus élevé des attentes des consommateurs parmi les baby-boomers qui entrent dans les années où ils vont avoir plus besoins de soins, ce qui augmentera la demande de services plus adaptés aux consommateurs. Un exemple de co-création avec les patients est la plateforme ouverte d’innovation (https://patient-innovation.com), conçue pour que les patients et les soignants partagent les solutions qu’ils ont développées pour les aider à faire face aux défis imposés par une maladie ou un état de santé.
Professionnels de soins: Le cadre HOPE est adapté à un paysage de la santé en évolution, qui a un impact sur le personnel de soins de première ligne dans de nombreux pays développés. Ces changements sont encapsulés dans l’acronyme VUCA : volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté (Bennett et Lemoine, 2014). La concurrence mondiale et les conditions économiques volatiles ont provoqué des structures de travail changeantes et de l’incertitude pour les organisations et les individus, chargés de fournir une personnalisation des soins renforcée à un moment où les ressources diminuent, en particulier la main-d’œuvre. Les défis sont si complexes et sans précédent que l’ambiguïté est apparue, alimentée par le brouillage des frontières entre travail et non-travail, et des avancées technologiques plus généralement, télésanté et télémédecine, par exemple (Quinn et al., 2018). La nécessité de s’adapter à un paysage financier et démographique aussi changeant s’accompagne de la nécessité d’un changement culturel dans la manière dont les services de santé sont fournis. Tel est le pivot du cadre HOPE, qui a la capacité de défendre la nécessité de personnaliser les services de santé, de s’adapter à l’évolution des réglementations, aux défis de la main-d’œuvre et aux attentes croissantes des consommateurs en matière de santé.
L’activation des pratiques de co-création est essentielle au cadre HOPE. Pour influencer les pratiques de co-création, il est essentiel de prendre en compte les problèmes liés à la fois à la conception de l’expérience et à la mise en œuvre de l’expérience. McColl-Kennedy et coll. (2017b) suggèrent que les prestataires de soins peuvent améliorer le bien-être des patients en reconnaissant, en soutenant et en suscitant des émotions positives chez le patient et leur famille. Les mesures spécifiques qui peuvent être prises pour créer des conditions dans lesquelles les patients peuvent s’épanouir émotionnellement comprennent: améliorer la conception de l’environnement physique (« servicescape »); concevoir délibérément des processus de service qui incluent des actions de soutien émotionnel; et réinventer les rôles des employés afin de créer une culture de soutien pour toutes les personnes impliquées dans la prestation de soins.
Par exemple, cela peut être facilité en partie par le personnel des fonctions support qui remplissent les soi-disant «fonctions hôtelières» (bionettoyage, entretien, nutrition, etc.) dans les hôpitaux et autres établissements de santé. Un management « progressif » des fonctions hôtelière se concentre sur les professionnels de première ligne en promouvant une culture soutenant l’égalité et en dynamisant chaque partie de l’organisation pour augmenter les performances globales du système et, in fine, l’expérience client (Kang et al., 2015). Transférer ces connaissances dans le contexte de la santé signifie développer une culture qui reconnaît les efforts extraordinaires de tous les membres de l’équipe soignante (Duffy et Dik, 2013) et met en évidence le rôle instrumental du personnel des fonctions support dans la création d’un environnement de guérison plus agréable (Slatten et Mehmetoglu, 2011), entre autres. En plus d’une culture de soutien, il s’agit de fournir au personnel des fonctions support une formation appropriée pour lui permettre de repérer et de signaler les changements, ce qui pourrait aider à éviter des situations graves et à réduire le fardeau d’un personnel clinique déjà occupé en raison de la pénurie de personnel (The Lancet, 2018). Un tel investissement dans la culture hospitalière et la gestion des ressources humaines nécessite un changement de mentalité culturelle plus que de ressources financières, mais le gain potentiel d’émotion positive créées parmi le personnel pourrait se propager au patient et à sa famille, en augmentant la coopération et en diminuant les conflits (Barsade, 2002).
- Conception et mise en œuvre de l’expérience:
L’expérience patient peut être définie en adaptant la définition d’une expérience client d’Homberg et al. (2017, p. 384) et de Lemon et Verhoef (2016, p. 70): l’expérience patient est un construit multidimensionnel de nature holistique et qui inclut les réponses sensorielles, affectives, cognitives, relationnelles et comportementales du patient à un professionnel de la santé, au décours d’un parcours de soins fait de points de contact tout au long des situations de prétraitement, de traitement et de post-traitement. L’ensemble du parcours du patient, du prétraitement au traitement en passant par le post-traitement, implique des points de contact, qui peuvent impliquer plusieurs prestataires de santé (Lemon et Verhoef, 2016). Ces points de contact sont tout ce qui affecte l’expérience du patient (Calder et Malthouse, 2005, p. 357) et peuvent inclure des courriels envoyés avant et après le traitement, des appels téléphoniques, des messages texte et d’autres instructions, et le traitement lui-même, y compris les interactions avec le personnel et tous les aspects de la conception et du design de l’espace physique où a lieu les soins.
Homburg et coll. (2017, p. 384) définissent ensuite la gestion de l’expérience client (ici patient) (PEM) comme étant constituée de trois éléments: «les mentalités culturelles envers l’expérience patient, les orientations stratégiques pour la conception de l’expérience des patients et les capacités de l’entreprise pour renouveler continuellement l’expérience des patients, avec pour objectif d’atteindre et de maintenir la fidélité à long terme des patients. » Ce sont ces trois éléments qui sont inclus dans la partie vision partagée du cadre HOPE. Il doit y avoir un énoncé clair de la vision qui est communiquée aux différentes parties prenantes. Le but de la vision est, en partie, de maintenir la cohésion thématique, la cohérence, la sensibilité au contexte et la connectivité des points de contact. Homburg et al. (2017) identifient différentes sous-capacités. L’une d’entre elles est la surveillance du parcours du patient aux points de contact, où des mesures sont enregistrées et analysées pour s’assurer qu’elles sont conformes aux objectifs du prestataire de soins. Un autre est la priorisation des points de contact, ou l’allocation des ressources financières et humaines à différents points de contact.
Alors que le « Customer Experience Management » a été un sujet d’importance croissante au cours des deux dernières décennies et a été utilisé dans de nombreuses industries différentes, son application au milieu de la santé est particulièrement difficile en raison du nombre d’intervenants impliqués. Comme le montre le cadre HOPE, les parties prenantes comprennent le patient, les proches et les professionnels de la santé tels que les médecins généralistes, les spécialistes, les infirmières, les thérapeutes et les pharmaciens. Il y a également des administrateurs au sein de l’établissement de soins ainsi que divers organismes de paiement tels que les compagnies d’assurance et les agences gouvernementales à prendre en compte. Il peut également y avoir des restrictions et des stipulations légales qui peuvent varier selon la géographie. Les établissements de santé sont également intégrés dans les communautés et un organisme de santé une responsabilité populationnelle. Pour compliquer davantage la tâche de conception de l’expérience patient, il y a souvent des situations de vie ou de mort, où il n’y a que des choix indésirables ou qui sont physiquement, émotionnellement et mentalement épuisants, créant des parties prenantes fatiguées. Il est difficile de penser à une autre industrie avec autant de parties prenantes et de complexités, ce qui rend le design de l’expérience patient particulièrement difficile.
Compte tenu de ces complexités, il est plus utile de conceptualiser l’expérience patient comme un problème de conception d’expérience multipartite plutôt que comme le problème de conception d’expérience client (avec une seule partie prenante) discuté dans la littérature. Dans les situations multipartites, des décisions doivent être prises pour équilibrer les besoins (ou l’utilité) d’un groupe par rapport à ceux d’un autre. L’idée de base pour une décision particulière est de déterminer l’utilité que les différentes solutions apportent à chacune des parties prenantes et le poids à accorder à l’utilité des différentes parties prenantes. Il peut y avoir des contraintes, telles que les réglementations du gouvernement ou des assureurs, qui rendent certaines décisions irréalisables. La solution la plus souhaitable est alors de sélectionner la décision qui produit la plus grande utilité pondérée parmi les parties prenantes.
A ce jour la plupart des études adoptent une perspective de consommation de l’expérience client (par exemple, Hirschman et Holbrook, 1982; Homburg et al., 2017; Pine et Gilmore, 1998). Kranzbühler et al. (2018) suggèrent que le Customer Experience Management comprend: (1) l’identification des moyens de concevoir et de gérer les interactions avec les clients; et (2) analyser comment le paysage des services et les employés influencent les expériences des clients. Ces idées sont discutées successivement comme suit.
Mise en œuvre de l’expérience: La gouvernance et le fonctionnement des systèmes de santé placent régulièrement l’expérience patient comme un marqueur central de la qualité et du respect des normes. Recueillir les commentaires des patients sur leurs expériences est considéré comme une caractéristique nécessaire, souhaitable, voire essentielle pour améliorer la qualité de la prestation de soins. L’expérience patient est positionnée comme une fonction pour améliorer la communication entre le patient et le clinicien, minimiser l’insatisfaction du patient et renforcer l’autonomisation du patient. Elle est considérée comme un mécanisme permettant de modifier les processus de soins, de renforcer la confiance et d’améliorer la performance clinique dans le but ultime d’obtenir de meilleurs résultats en matière de santé (Beattie et al., 2014). Un tel discours est essentiel au développement des soins «centrés sur la personne».
Les outils de type d’enquête traditionnels ne manquent pas, qui sollicitent des informations sur l’Expérience Patient, par exemple, l’enquête Hulka sur la satisfaction des patients à l’égard des soins médicaux, l’enquête HCAHPS (Hospital Consumer Assessment of Healthcare Providers and Systems), les enquêtes Press Ganey et The Friends and Family Test (Royaume-Uni). La Health Foundation (2013) détaille également les méthodes de feedback descriptif que les prestataires de soins pourraient envisager: entretiens, techniques d’incident critique, récits de patients et observation. Il existe également de nombreuses opportunités non sollicitées pour le patient de fournir des commentaires, en particulier en ligne, comme en témoignent des sites tels que www.iwantgreatcare.org et www.patientopinion.org.uk.
Il existe des organisations entières consacrées à la compréhension de l’Expérience Patient, le Picker Institute (voir www.pickereurope.org) n’est qu’un exemple, et d’autres qui cherchent à travailler avec la communauté de santé comme le Beryl Institute (voir https://www.theberylinstitute.org). Il existe des équipes internes chargées de collecter des données sur l’Expérience Patient dans différentes parties des systèmes de santé (par exemple, Hankins et al., 2007) et des équipes collectant des données au niveau individuel et au niveau de la population. Des chercheurs universitaires travaillent seuls et en collaboration avec des professionnels de la santé pour explorer le sujet (Beattie et al., 2014). Il n’y a pas de fin au nombre d’études examinant le rôle du personnel clinique (Kreofsky, 2013) et utilisant un nombre croissant de moyens de capture de données, en personne, en ligne, en temps réel, asynchrone. Pourtant, même avec toutes ces données collectées, les études posent rarement des questions centrées sur le patient et axées sur le marché. Par conséquent, des questions visant à savoir si les membres de la famille peuvent se garer ou si le patient peut digérer la nourriture distribuée, si le patient peut entrer en contact avec ses proches pendant qu’il est hospitalisé ou s’il peut accéder à un clinicien en dehors des heures de bureau, si le proche a pu manger pendant la soirée en attendant l’issue de longues investigations ou si le patient hospitalisé a pu trouver de l’aide à 3 heures du matin lorsqu’il a eu peur, sont largement absents des études existantes. L’adoption d’une lunette « Customer Experience Management » fournit un support pour capturer ces informations et compléter la compréhension clinique déjà existante.
« Servicescape » ou design de services: L’impact profond sur les personnes de leurs interactions avec leur environnement a conduit à de nombreuses recherches dans diverses disciplines, notamment la psychologie, la géographie, l’architecture et les sciences du design. Dans le champ de la santé, il y a également un corpus croissant de littérature sur le design fondé sur des preuves (Evidence-Based Design) et de la conception fondée sur la recherche pour les soins de santé, ce qui peut être exploité en conjonction avec la conception des services et de paysage des services (« servicescape ») axées sur l’hospitalité (Cama, 2009). Une compréhension approfondie permet d’aligner l’environnement physique, ou le paysage des services, avec la gestion de l’expérience, orientant ainsi les réponses comportementales souhaitables des clients et des employés vers une meilleure expérience (Bitner, 1992). Dans la pratique, les points de service tels que les magasins et les hôtels sont devenus assez aptes à appliquer de nombreux principes de conception de paysage de services (Durna et al., 2015). Par exemple, les hôtels ont établi des échelles de chaîne distinctes qui permettent aux clients de choisir librement et définissent les attentes appropriées des clients concernant le niveau de service et les équipements. Chaque aménagement d’hôtel suit certaines normes et comprend une signalisation claire pour guider un client dans un environnement inconnu. Les points de contact tels que le concierge sont placés dans des zones très visibles et accessibles pour encourager l’interaction entre les employés et les clients.
La conception du paysage de services dans un environnement de soins est confrontée à plusieurs défis uniques (Hamed et al., 2019). Les personnes à la recherche de soins, ainsi que les membres de leur famille, arrivent sur les lieux, souvent pas par choix. Les prestataires de soins partagent leur environnement de travail avec d’autres personnes qui ne connaissent pas l’aménagement et sont distraits par d’autres priorités et préoccupations. Réduire la charge cognitive et émotionnelle de toutes les personnes impliquées dans le parcours de service devient une priorité dans ce contexte. Il existe des opportunités uniques pour transférer le fardeau de la gestion des réponses comportementales des diverses parties prenantes vers l’environnement physique. Les actions visant l’amélioration de la conception et du design pourraient par exemple inclure l’ajout de meubles mobiles conçus en fonction des besoins des patients / de la famille, comme une chaise innovante qui permet aux proches de dormir à côté du patient et d’interagir avec lui (chaise de lit CAMA), dans la lignée de ce que le monde de l’hospitalité a inventé pour améliorer l’expérience client.
La figure 2 illustre comment le cadre HOPE peut aider les hôpitaux à créer de meilleures Expériences Patient. L’article analyse trois parcours patients et identifie les marges d’améliorations qui auraient été rendues possibles par l’application du cadre HOPE.