« Le design participatif est-il accessible à tous ? »
Le design participatif basé sur l’expérience patient (experience-based co-design ou EBCD) est au cœur de nombreuses initiatives d’amélioration de la qualité dans le monde de la santé, et ce de façon croissante. Ces approches favorisent une participation accrue des patients et professionnels de terrain. Selon de récentes études, l’amélioration de l’expérience patient peut être associée à de meilleurs résultats en termes d’efficacité et de sécurité cliniques. Cependant, il n’y a pas d’homogénéité dans la mise en œuvre des approches du design, ni d’études exhaustives. En 2018, l’Agence pour l’innovation clinique australienne (ACI) a rédigé une synthèse des études de cas rédigées sur des projets afin d’identifier les défis de la mise en œuvre du design participatif basé sur l’expérience, et d’en identifier les leçons pour de futurs projets d’amélioration de la qualité.
Synthèse d’études de cas de six projets de co-design basés sur l’expérience (EBCD) pour l’amélioration des systèmes de santé en Nouvelle-Galles du Sud (Australie)
Le design participatif basé sur l’expérience patient (experience-based co-design ou EBCD) est au cœur de nombreuses initiatives d’amélioration de la qualité dans le monde de la santé, et ce de façon croissante. Ces approches favorisent une participation accrue des patients et professionnels de terrain. Selon de récentes études, l’amélioration de l’expérience patient peut être associée à de meilleurs résultats en termes d’efficacité et de sécurité cliniques. Cependant, il n’y a pas d’homogénéité dans la mise en œuvre des approches du design, ni d’études exhaustives. En 2018, l’Agence pour l’innovation clinique australienne (ACI) a rédigé une synthèse des études de cas rédigées sur des projets afin d’identifier les défis de la mise en œuvre du design participatif basé sur l’expérience, et d’en identifier les leçons pour de futurs projets d’amélioration de la qualité.
Auteurs – Tara L. Dimopoulos-Bick, Claire O’Connor, Jane Montgomery, Tracey Szanto, Marion Fisher – de l’Agency for Clinical Innovation
Lien vers l’article en anglais : “Anyone can co-design?”: A case study synthesis of six experience-based co-design (EBCD) projects for healthcare experience-based co-design (EBCD) projects for healthcare systems improvement in New South Wales, Australia https://pxjournal.org/cgi/viewcontent.cgi?article=1365&context=journal
Mots-clés
Design participatif basé sur l’expérience, co-production, amélioration de la qualité, expérience patient, refonte du système
Introduction
Depuis son adoption par le NHS (service national de santé du Royaume-Uni) en 2006 pour améliorer la qualité, le design participatif basé sur l’expérience patient (experience-based co-design ou EBCD) est au cœur de nombreuses initiatives d’amélioration de la qualité, et ce de façon croissante.
On a pu également noter une augmentation de la participation des utilisateurs de services (un terme englobant les patients, les consommateurs, les clients et indiquant généralement un engagement avec les services de santé), des soignants et des professionnels de santé aux efforts d’amélioration des soins et de refonte des systèmes de santé, en utilisant des méthodes de co-production, dont la méthode de design participatif basé sur l’expérience patient (EBCD) est une variante.
Cette tendance à l’utilisation de la co-production et du design participatif dans l’amélioration de la qualité est appelée « Participatory Zeitgeist – l’esprit de notre temps participatif ». Elle s’inscrit dans le cadre de changements politiques, culturels et sociaux, tous pointant vers une plus grande participation des personnes ayant vécu une expérience dans des processus de conception, de planification, de refonte et d’amélioration des soins de santé. Cet élan participatif implique une plus grande reconnaissance de l’importance de l’expérience du patient, qui joue un rôle pivot dans l’amélioration des soins, et des utilisateurs de services, qui sont partenaires du changement. Mais cela ne s’est pas fait sans débat, sans défis et sans confusion conceptuelle.
La méthode de design participatif basé sur l’expérience patient (EBCD) est une approche utilisée dans l’amélioration des soins avec un processus clairement articulé et par étapes, mais qui est mise en œuvre de manière variable. Des méthodes participatives et narratives sont utilisées pour développer une compréhension approfondie des expériences de soins (à la fois en termes de réception et de prestation de services), suivies par l’utilisation de méthodes de conception et de théorie d’apprentissage pour les utilisateurs de services et les professionnels de la santé, afin de co-concevoir des améliorations de façon participative, et de mettre en œuvre les changements. Le design participatif basé sur l’expérience patient est basée sur l’idée que la co-conception permet un traitement et des soins axés sur l’expérience plutôt qu’uniquement sur le protocole.
Selon de récentes études, l’amélioration de l’expérience patient peut être associée à de meilleurs résultats en termes d’efficacité et de sécurité cliniques. De même, des effets positifs ont été démontrés à partir d’interventions de soins centrés sur la personne en termes d’état de santé auto-évalué, de bien-être, de qualité des soins, de satisfaction et, dans certaines études, sur les mesures de santé pour le diabète telles que l’HbA1c, l’indice de masse corporelle (IMC), les coûts et la réduction de la durée d’hospitalisation. Des études systématiques indiquent cependant que des études plus rigoureuses seraient nécessaires pour déterminer la base de données probantes.
À l’échelle internationale, il existe des boîtes à outils qui offrent des conseils étape par étape pour soutenir la mise en œuvre des approches du design participatif (EBCD) avec études de cas et ressources pour l’amélioration de la qualité. La Point of Care Foundation a été à l’origine de l’EBCD en créant une boîte à outils sur le design participatif basée sur l’expérience en collaboration avec le King’s College London, les NHS Foundation Trusts et le King’s Fund. Le Waitemata District Health Board en Nouvelle-Zélande met également à disposition une boîte à outils de co-conception des services de santé. Plus récemment, l’Australian Hospitals and Healthcare Associations (AHHA) avec le Consumers Health Forum (CHF) ont lancé une boîte à outils pour l’Australie.
Malgré la mise à disposition de ces outils et la publication de directives, la mise en œuvre de l’EBCD semble varier considérablement et faire face à des défis permanents pour une participation équitable. Par ailleurs, les preuves permettant de savoir si l’EBCD conduit à une amélioration des résultats pour la santé, de l’efficacité clinique et de la sécurité restent limitées malgré plus d’une soixantaine de projets ayant utilisé cette approche. De la littérature spécifique émerge également autour du besoin d’approches EBCD adaptées ou distinctes pour certaines communautés vulnérables et marginalisées, où les expériences de soins peuvent avoir été extrêmement difficiles et paralysantes.
La variabilité dans la mise en œuvre des approches basées sur le design participatif pourrait être expliquée et considérée comme inévitable du fait de la gamme de méthodes participatives et narratives pouvant être utilisées pour développer une compréhension approfondie des expériences des utilisateurs de services. Cette variabilité existe également dans la diversité des théories de la pensée conceptuelle et de l’apprentissage, qui peuvent éclairer les processus de conception participative. Les expériences peuvent être identifiées et partagées à l’aide d’une cartographie des émotions, de vidéos d’expérience patient (également appelées « trigger films »), ou via d’autres formes de communication narratives ou visuelles telles que les personas, les immersions et les storyboards et, dans une moindre mesure, les données d’expérience collectées à partir d’applications conçues à cet effet. Quelle que soit la méthode narrative utilisée, partager les expériences des utilisateurs de services et des professionnels de la santé a pour objectif de développer une compréhension des points de contact expérientiels (à la fois positifs et négatifs) et d’identifier les domaines de changement. Il est également essentiel de construire une compréhension partagée des concepts et enjeux pour favoriser un espace où l’empathie entre les utilisateurs de services et les professionnels de la santé est rendue possible. La mesure dans laquelle la compréhension et l’empathie partagées sont associées à un design participatif réussi, à la mise en œuvre d’améliorations et aux résultats de la méthode EBCD n’a pas, à notre connaissance, été évaluée au-delà des données issues d’entretiens.
Et, si la collecte d’expériences est diversifiée, des variations dans la mise en œuvre de l’EBCD peuvent aussi apparaître dans les processus de co-design en concernant :
- (1) l’animation des groupes et les compétences qui sont requises,
- (2) la préparation (et dans quelle mesure) des participants pour co-concevoir. Il ne s’agit pas seulement d’identifier des pistes d’amélioration,
- (3) si, quand et comment des intervenants/concepteurs externes sont engagés,
- (4) la logique du choix des techniques de conception et outils sélectionnés pour co-concevoir des solutions ou des améliorations,
- (5) les stratégies employées pour mettre en œuvre des changements et,
- (6) la mesure des améliorations organisationnelles et individuelles.
Bien que la flexibilité puisse être considérée comme une force de la méthode de design participatif basé sur l’expérience, elle semble aussi poser des problèmes d’uniformité dans sa mise en pratique dans des projets d’amélioration de la qualité. Il est par conséquent difficile de déterminer les composantes essentielles au succès de la méthode, et cela soulève des questions quant à la mise en œuvre de cette méthode dans les milieux de la santé.
En Australie, le ministère de la Santé de la Nouvelle-Galles du Sud (NSW) a progressivement investi dans plusieurs projets qui ont positionné l’EBCD comme une approche essentielle dans l’amélioration de la qualité. La première tentative a été la mise en œuvre de l’EBCD dans les services d’accueil des urgences de la Nouvelle-Galles du Sud et dans les services associés de sept hôpitaux publics en 2007. En 2015, l’Agence pour l’innovation clinique (ACI), une organisation pilier du ministère de la Santé de la Nouvelle-Galles du Sud a pris la décision stratégique d’explorer de manière plus approfondie la faisabilité de l’EBCD comme approche d’amélioration de la qualité. Cette décision a été basée sur la volonté de répondre aux normes concernant la participation au sein du service australien de sécurité et de qualité de la santé, en particulier sur les aspects concernant la valorisation de l’expérience patient, l’implication des utilisateurs de services dans les processus de restructuration et la promesse naissante de l’EBCD. C’est dans ce contexte que six projets EBCD ont été menés, entre 2015 et 2018, dans des services adultes de santé mentale, de rééducation, de greffe de moelle osseuse, de réadaptation à la suite de lésions cérébrales, d’incontinence urinaire et de déficience intellectuelle.
En 2018, l’ACI a rédigé une synthèse des études de cas rédigées sur les projets afin d’identifier les défis de la mise en œuvre du design participatif basé sur l’expérience, et d’en identifier les leçons pour de futurs projets d’amélioration de la qualité.
Résultats
Les six projets étudiés impliquaient des utilisateurs des services et des professionnels de santé au niveau de la gestion de projet et de la gouvernance, de façon variable sur le terrain. Plus de 355 expériences ont été partagées, ce qui a rendu difficile l’identification des domaines clés de changement et la concentration sur les améliorations qualité, plutôt que sur l’expérience.
Voici les thèmes qui ont été identifiés lors de l’étape design participatif :
- (1) les défis de trouver des ressources pour participer au design participatif,
- (2) la représentativité des personnes témoignant de leur expérience, au sein du projet de design participatif,
- (3) l’importance de la narration des expériences,
- (4) l’implication des personnes plus marginales,
- (5) trouver le bon équilibre entre expérience et amélioration,
- (6) la variabilité des outils et techniques utilisés pour co-concevoir les améliorations,
- (7) l’élaboration de stratégies de mise en œuvre,
- (8) et sortir les professionnels de la santé des modes de travail et des mentalités traditionnels.
La synthèse de ces thèmes au sein de la thématique globale de préparation et développement des capacités a amené les chercheurs à y réfléchir en termes de savoir-être, de connaissance et de savoir-faire. Ils ont ainsi examiné le travail nécessaire dans ces trois domaines pour générer les conditions et les processus des huit mécanismes de changement pour le design participatif et la co-production.
Lien vers le schéma : https://2024.experiencepatient.fr/wp-content/uploads/2021/12/11-schema.jpg
- Savoir-être – incarner un état d’esprit coopératif pour assurer la participation
La tension qui a émergé lorsque les professionnels de la santé et les utilisateurs de services se sont réunis pour collaborer et ont dû s’éloigner des modes de travail et des mentalités traditionnels est un thème commun aux six projets. Les équipes projet avaient coproduit un ensemble de principes pour guider la collaboration et étayer le processus EBCD mais ces principes n’ont pas été pleinement mis en pratique. La collaboration a été rendue difficile et a parfois été entravée par les valeurs, les attitudes et les perspectives sur le travail commun, qui n’avaient pas été modifiées avant l’étape de conception participative. Bien que la plupart des professionnels de santé acceptent instinctivement l’EBCD comme une approche collaborative et valorisent l’expérience vécue et le travail en commun, s’éloigner des méthodologies d’amélioration de la qualité et des structures de pouvoir plus traditionnelles et fondées sur des preuves est resté difficile. À cet égard, les professionnels de santé n’ont pas pleinement adopté l’approche EBCD.
Ces tensions ont mis en exergue l’importance du travail de préparation sur l’état d’esprit coopératif et participatif. Plus que des compétences et des techniques, il s’agit, dans ce cas, de l’importance de reconnaître l’expérience patient et le savoir expérientiel. C’est profondément lié aux questions d’identité et de valeurs. La préparation doit donc se faire spécifiquement sur les changements de comportement et d’attitude des participants, qui pourront conduire à une culture participative et collaborative. Cela signifie instaurer un dialogue et des activités dans les phases de préparation, qui répondront à la nécessité de changer de paradigme : dans le domaine de la santé, l’équilibre des pouvoirs repose souvent sur les professionnels de santé. Cela nécessite également de donner aux participants les moyens de valoriser les connaissances issues de l’expérience vécue et leur importance, et de les reconnaître égales à d’autres types de connaissances. Pour les six projets, le transfert et le partage du pouvoir ont été difficiles et sont restés pour la plupart infructueux. Cela a été dû notamment au maintien des processus décisionnels verticaux existants concernant l’approbation et l’allocation des ressources, les relations de pouvoir traditionnelles, et les hiérarchies professionnelles.
Par conséquent, concernant le savoir-être, le travail de développement des capacités doit explicitement se concentrer sur la manière d’aborder le pouvoir, les valeurs et la dynamique relationnelle avant d’entreprendre une démarche EBCD. Cela permettra de mieux comprendre les facteurs contextuels et environnementaux qui peuvent favoriser ou entraver l’EBCD, y compris la préparation et la culture organisationnelles, le vécu et le succès de la collaboration avec les utilisateurs de services et les ressources dédiées. Des activités de préparation spécifiques seront requises, avec les participants, plutôt que de s’appuyer sur des motivations intrinsèques (qui sont notablement différentes entre les professionnels de la santé et les utilisateurs de services). Trouver des approches qui peuvent identifier et traiter à l’avance les préjugés offrira de plus grandes chances à l’émergence d’un esprit de coopération.
Connaissances en design participatif – adopter l’expérience patient (ou les témoignages de patients) pour promouvoir et mettre en œuvre le changement
Si le savoir-être concerne l’importance de créer un état d’esprit participatif, le savoir consiste à rassembler ces connaissances pour mettre en œuvre le changement. Le design participatif passe aussi par l’approfondissement des connaissances sur l’approche et les processus pour les usagers des services et les professionnels de santé. Cela signifie également prendre le temps de faire connaissance. Les sessions de coaching bimensuelles ont permis aux utilisateurs de services et aux professionnels de la santé dirigeant des projets EBCD de renforcer leurs capacités et leur expérience dans l’application de l’approche sur une période de 12 mois. Le coaching a également favorisé une communication plus ouverte entre les responsables de l’EBCD et a fourni un espace pour partager l’apprentissage et les ressources. Les six projets ont cependant eu du mal à reconnaître et à développer avec succès les capacités des professionnels de santé de première ligne et autres utilisateurs de services au sein des ateliers de conception participative.
Il est important d’avoir des connaissances sur des outils de design participatif et de connaître les subtilités de l’approche car ces connaissances peuvent être utilisées pour remédier au désinvestissement qui peut apparaître à l’issue des étapes de collecte initiales. S’assurer que les processus de conception participative sont clairs dès le départ crée des attentes partagées qui permettent aux individus de se sentir responsables du changement et de se mobiliser autour de cette dynamique. Cela inclut la valorisation et la préférence donnée aux expériences vécues dans les services en tant que connaissances d’experts et à partir desquelles il faut co-développer solutions et améliorations.
Dans les six projets, le modèle utilisé pour construire la préparation à l’EBCD a peut-être échoué car le développement des capacités n’a pas été appliqué de manière cohérente pour tous les utilisateurs de services, les professionnels de santé et les groupes de parrainage. Par exemple, parmi les six projets, un seul des sponsors avait une compréhension approfondie de l’EBCD et une expérience pratique de l’utilisation de cette approche. Les utilisateurs de services et les professionnels de santé qui se sont lancés sans connaître les bases de l’approche du design participatif dans le processus EBCD ont eu du mal à saisir et à mettre en œuvre l’approche de manière efficace et cohérente. Dans la préparation ECBD, il est essentiel d’indiquer aux participants l’importance d’un engagement complet et sur la durée dans le processus. Alors que les professionnels de santé et les utilisateurs de services pouvaient accéder aux séances de coaching à distance, ils n’y ont pas participé de façon régulière. Il a été compliqué de trouver un moment approprié pour les séances de coaching, de nombreux utilisateurs de services et professionnels de santé étant dans l’incapacité de bloquer leur agenda ou souvent indisponibles en raison de priorités concurrentes.
Les professionnels de la santé et les sponsors qui ont rejoint les projets après leur début n’étaient pas non plus toujours renseignés quant à l’approche EBCD et il a pu y avoir eu des divergences dans la compréhension de la méthode. Cette compréhension limitée de l’approche peut avoir conduit les professionnels de santé et les sponsors à s’appuyer sur les méthodes traditionnelles d’amélioration et a conduit au renforcement des divisions et des déséquilibres existants, notamment au niveau du pouvoir. Cela souligne l’importance de l’implication des participants au processus ECBD, comme méthode d’amélioration.
Un autre défi rencontré par la plupart des projets EBCD a été le manque de suivi des processus de changement collaboratifs pour identifier et co-concevoir les améliorations. Cela peut être dû au fait que la formation initiale EBCD pour les chefs de projet était fortement axée sur les étapes du processus et non sur les compétences et les techniques de conception participative, ou sur le développement de stratégies pour la mise en œuvre des améliorations. Alors que la configuration initiale des équipes projet comprenait un responsable de la mise en œuvre, pour la plupart des projets, la configuration de l’équipe a changé au moment où le projet a atteint l’étape « tester et mettre en œuvre » du processus EBCD. Pour certains projets, l’attribution d’un responsable de la mise en œuvre était limitée dans le temps et souvent, des retards dans le projet ont par conséquent entraîné l’absence de soutien à la mise en œuvre de la méthode dans les dernières étapes du processus.
La préparation au design participatif doit donc inclure la reconnaissance et le dialogue autour de l’expérience patient et, pour certains groupes, il est nécessaire d’être préparés à la flexibilité dans la participation : cela a en effet entraîné de nombreux défis et est à prendre en considération. Par exemple, l’état de santé de certains utilisateurs de services a eu un impact sur leur capacité à participer aux processus EBCD sur une longue période de temps. De même, des incompatibilités d’agenda ont souligné l’importance d’avoir des opportunités de développement de capacités continues qui soient adaptables pour répondre aux besoins et aux préférences des utilisateurs de services et des professionnels de la santé.
Co-concevoir de manière créative pour obtenir des améliorations à long terme
Les types de capacités discutés jusqu’à présent font spécifiquement référence à l’importance des valeurs et des principes opérés pour invoquer des esprits participatifs, des identités coopératives et une reconnaissance du fait que différentes formes de connaissances comptent de la même manière que d’autres. Tous ces éléments sont réunis dans le design participatif basé sur l’expérience et dans les techniques suscitant le co-développement d’améliorations. Dans le savoir-faire, il est nécessaire de faire correspondre à dessein les techniques et les outils nécessaires pour soutenir la créativité et parvenir à des solutions co-conçues. Une telle adéquation des techniques et des outils de co-conception doit également conduire à la mise en œuvre d’améliorations.
Des techniques et des outils de conception tels que les cadres de problèmes, la cartographie du parcours et le test d’idées via des storyboards et le prototypage itératif ont été utilisés dans le cadre du processus de conception participatif basée sur l’expérience dans les six projets. Cependant, certains des outils et techniques introduits dans le processus ECBD n’étaient pas familiers aux utilisateurs de services et aux professionnels de santé au départ. D’où l’importance de couvrir le quoi, le pourquoi et le comment des différentes techniques et outils de conception et leur application au processus de co-design pour tous les participants, avant la co-conception elle-même.
Parfois, le « désordre » de la conception et l’augmentation du temps passé à comprendre le problème avant la transition vers des solutions et des améliorations ont été compliqués à appréhender pour les participants initiaux au projet. Cela a été le cas lorsque des designers externes ont été engagés après les étapes de collecte et de compréhension du processus EBCD. Les designers externes ont une expertise en design centrée sur l’humain et ils ne faisaient pas partie des équipes projet initiales, ou du milieu de la santé. La tendance de ces designers externes à repousser le projet dans les premières étapes de l’expérience a de provoqué des tensions et des retards de projet, et a conduit à la frustration de stagner dans des expériences que certaines personnes avaient l’impression d’avoir déjà partagées. Cependant, le recours à des designers externes a également entraîné des solutions de conception plus innovantes et des capacités de conception accrues pour les professionnels de la santé et les utilisateurs de services. Il n’a pas été possible d’explorer dans quelle mesure cela a conduit à une mise en œuvre de changements plus ou moins grande, mais cela devrait être un domaine sur lequel se concentrer dans les futurs projets EBCD pour l’amélioration des soins. L’idéal serait que les designers fassent également partie des phases de préparation afin que les tensions soient minimisées et que chacun puisse développer une compréhension des techniques mises en œuvre pour le co-développement d’améliorations.
Discussion
Participation et implication des utilisateurs de services dans la planification des systèmes de santé, amélioration de la qualité, refonte et évaluation sont de plus en plus au cœur de l’activité des gouvernements et des organisations d’amélioration des systèmes de santé à l’international. Cette synthèse a mis en évidence l’enjeu essentiel auquel la participation des utilisateurs de services et des professionnels de la santé est confrontée pour garantir que les efforts de design participatif conduisent à des améliorations claires qui soient réellement mises en œuvre. La prochaine étape cruciale dans le domaine de l’EBCD consistera au développement de moyens pour évaluer et pour mesurer les processus et les résultats de ces efforts de conception participative.
À ce jour, les évaluations publiées indiquent plusieurs raisons pour lesquelles les différences persistent dans la mise en œuvre :
- (1) du modèle de conception participative basée sur l’expérience,
- (2) de l’amélioration de la qualité et
- (3) dans les défis posés par les mesures des résultats dans les projets EBCD.
Les preuves tangibles sur les composants essentiels au succès manquent encore, tout comme l’intérêt porté au modèle et la littérature sur le sujet. Peu d’écrits ont évalué les liens directs entre amélioration liée à la méthode EBCD et l’objectif d’amélioration des soins, l’amélioration de l’expériences patient et des résultats.
Les conclusions de la synthèse des études de cas indiquent que des efforts supplémentaires dans les phases de préparation au design participatif basé sur l’expérience, qui favorisent le savoir-être (un état d’esprit participatifs – ou, en bref, une identité collective) et les connaissances (reconnaître l’importance des témoignages de patients et des compétences pour développer la capacité de conception participative) sont une étape essentielle pour améliorer la méthode. Actuellement, les procédures de formation ou d’orientation (préparation) qui ont été utilisées dans les études EBCD sont peu développées et manquent d’informations sur les types de compétences et de capacités à réviser concernant la « conception ». Il est facile de tomber dans un piège, décrit récemment par Beresford comme étant unidimensionnel, réductionniste et n’abordant pas les différences de pouvoir.
Développer savoir-être et connaissances signifie trouver des moyens concrets d’établir un partage du pouvoir, d’assurer la représentation des témoignages de patients, au-delà de leur implication symbolique, et l’utilisation de stratégies pour promouvoir la mise en œuvre de changements. Une meilleure attention à ces réalités dans les phases de préparation et un alignement avec les mécanismes de changement récemment identifiés pour le design participatif et la coproduction décrits dans un modèle théorique explicatif amélioreraient cet état et entraîneraient peut-être certaines des transformations recherchées pour une mise en œuvre plus efficace des changements. Il faut également contrer les risques de monter dans le train de l’EBCD pour l’amélioration de qualité, mais de voir peu de changements mis en œuvre. Ne pas offrir un développement complet des capacités à l’ensemble des participants, y compris les professionnels de santé et les utilisateurs de services, augmente ce risque.
Savoir-être (attitudes), savoir (connaissances) et savoir-faire (compétences) sont trois notions importantes pour développer les capacités à utiliser les processus EBCD, améliorer les expériences et, idéalement, les résultats. L’utilisation de huit mécanismes identifiés dans une approche de gestion du changement ETM peut servir de guide pour identifier ce qui est essentiel dans la préparation au design participatif. Ce peut être une des voies à suivre dans le développement des capacités requises, et être appliqué dans les établissements de santé. L’impact à long terme et la durabilité de l’EBCD en tant qu’approche d’amélioration de la qualité dépendent à la fois de son efficacité dans le « monde réel », y compris la manière dont elle peut être largement et facilement mise en œuvre, et également de la manière dont elle peut conduire à une amélioration durable de la qualité.