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Publié le

22.03.2021

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virgine

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Le design thinking pour améliorer l’expérience patient

Il existe déjà quelques exemples prometteurs de l’utilisation du design thinking pour optimiser l’expérience patient. Par exemple, le département d’obstétrique et de gynécologie de la Mayo Clinic a utilisé le design thinking pour réinventer les soins prénataux. Ils souhaitaient mieux répondre aux attentes et aux besoins des femmes enceintes, qui désiraient mettre davantage l’accent sur l’expérience émotionnelle de la grossesse, plutôt que sur son seul aspect clinique. Grâce à des entretiens et à des observations auprès de femmes enceintes, l’équipe de design thinking a conclu qu’il était extrêmement important pour ces femmes d’avoir le sentiment d’appartenir à une communauté. Le département a donc créé des communautés de soins en ligne, animées par des infirmières et d’autres conseillers en grossesse. Le résultat a été une amélioration globale du sentiment de préparation et d’autonomisation de ces femmes enceintes.

Une directrice d’hôpital nous a récemment parlé d’un problème qui n’est que trop courant chez les patients : les rendez-vous médicaux non-honorés. Elle a pris l’exemple d’une femme prénommée Mary (ce prénom a été modifié), une patiente souffrant d’une maladie chronique douloureuse qui ne venait pas à ses rendez-vous médicaux réguliers. Afin de mieux comprendre le problème, cette directrice d’hôpital a tenté de se mettre à la place de Mary en lui posant des questions sur son expérience : rencontrait-elle un problème de transport ? Avait-elle besoin de rappels de rendez-vous en plus du courrier papier envoyé à son domicile et de l’appel téléphonique standard ?

Peu à peu, Mary a révélé les raisons pour lesquelles elle ne s’était jamais rendue à ses rendez-vous. La logistique de son trajet pour se rendre à l’hôpital était particulièrement compliquée. Pour commencer, sa maladie chronique, douloureuse, l’obligeait à organiser une assistance porte-à-porte et un transport spécifique. Toutes les personnes impliquées dans la logistique devaient être interconnectées pour qu’elle puisse se rendre à son rendez-vous dans les temps, et cette coordination était onéreuse et stressante.

De plus, Mary devait faire face à une série de défis supplémentaires une fois arrivée à l’hôpital. Les soins de Mary avaient lieu dans un grand centre médical universitaire avec plusieurs bâtiments, aux entrées multiples ; elle devait parfois parcourir de longues distances d’un service à l’autre, en raison de la taille même de l’établissement. Elle craignait de ne pas pouvoir trouver quelqu’un pour pousser son fauteuil roulant, ou encore de se perdre. Mary se sentait très angoissée à l’idée de tous ces obstacles, au point de ne plus souhaiter se rendre à l’hôpital.

Chaque année, environ 3,6 millions de personnes manquent ou reportent leurs rendez-vous médicaux en raison de problèmes de transport, ce qui entraîne des coûts annuels de plusieurs milliards de dollars pour les établissements de santé. Les rendez-vous médicaux manqués, ou « non-honorés », créent souvent également plusieurs défis opérationnels, allant des difficultés de réaffectation du personnel clinique à l’interférence avec les soins et le traitement des patients. Bien que les conséquences des rendez-vous non-honorés aient été largement étudiées, les raisons spécifiques pour lesquelles les patients ne se présentent pas ne sont pas toujours claires. Et tant que toutes les raisons ne seront pas comprises, les problèmes ne pourront pas être résolus. Le fait d’accorder une plus grande attention à l’ensemble de l’expérience du patient – de ce qui se passe en amont du rendez-vous médical à ce qui se passe après le rendez-vous – peut donc aider.

De nombreux hôpitaux de premier plan se concentrent désormais davantage sur la compréhension de l’expérience des patients pour résoudre ce type de problèmes, en réduire le coût, et optimiser l’expérience globale des patients. Pourtant, il n’est pas toujours facile d’amener les principales parties prenantes à prendre en compte les aspects non cliniques de leur métier.

L’une des approches les plus prometteuses pour comprendre les expériences des patients est le design thinking, une approche de résolution de problèmes qui est à la fois créative et centrée sur l’humain, qui tire parti de l’empathie, de l’émergence d’idées communes, du prototypage rapide et de tests continus, pour relever des défis complexes.

Contrairement aux approches traditionnelles de résolution de problèmes, les designers déploient des efforts considérables pour comprendre les patients et les expériences vécues, avant de trouver des solutions. Cette compréhension approfondie des patients (par exemple, ceux qui manquent régulièrement leurs rendez-vous) guide le reste du processus. Et comme le design thinking implique de tester et d’affiner des idées de façon continue, l’avis et le feeback des patients est très souvent sollicité dès le début du processus.

La méthode du design thinking s’est imposée dans le secteur de la santé, conduisant au développement de nouveaux produits et à une meilleure conception des espaces de soins. Mais la démarche design reste sous-utilisée pour relever d’autres défis importants, entre autres le transport des patients, les problèmes de communication entre cliniciens et patients, et le traitement différentiel des patients en raison de biais implicites. Si davantage de managers adoptaient le design thinking, ils pourraient tirer parti d’une compréhension plus approfondie des patients pour résoudre ces problèmes, obtenir de meilleurs résultats cliniques et améliorer l’expérience patient, tout en réduisant les coûts.

Concevoir une expérience centrée sur le patient

Comment le design thinking pourrait-il être appliqué au problème persistant et coûteux des rendez-vous médicaux non honorés ? Dans le cas de Mary, elle ne pouvait pas expliquer ses inquiétudes à travers l’enquête standard sur l’expérience des patients, car celle-ci est envoyée seulement après la tenue d’un rendez-vous et comprend des questions générales axées sur la visite médicale en elle-même. Sans l’initiative de la directrice d’hôpital, les inquiétudes de Mary seraient peut-être passées inaperçues et n’auraient pas été prises en compte.

Cette approche de la résolution de problèmes, personnalisée et centrée sur l’humain, est le fondement du design thinking. Les hôpitaux qui utilisent le design thinking vont ainsi identifier un défi global puis assigner une équipe ou un groupe de travail (idéalement multidisciplinaire) pour passer quelques semaines, voire quelques mois, à étudier les patients qu’il affecte. L’équipe ad hoc utilisera des méthodes de recherche qualitatives, telles que des enquêtes, des groupes de discussion et des observations, pour mieux comprendre l’expérience des patients. Ils rechercheront des modèles et auront pour objectif de définir le vrai problème à résoudre. Par exemple, une équipe enquêtant sur plusieurs rendez-vous médicaux non-honorés verra rapidement que de nombreux cas n’impliquent pas nécessairement un oubli ou un problème de gestion du temps de la part du patient mais ils constateront que le problème auquel sont confrontés certains patients comme Mary est plus souvent d’ordre socio-émotionnel qu’organisationnel.

Après cette phase, l’équipe réfléchira à des solutions possibles, puis commencera un prototypage rapide pour les tester. Selon la solution proposée, un prototype peut consister en plusieurs choses, d’une maquette physique à un dessin, ou un organigramme. Par exemple, si l’équipe souhaite concevoir un processus de dépistage pour identifier les personnes ayant des préoccupations liées au transport, elle pourra concevoir une simple simulation informatisée qui illustre à quoi pourrait ressembler ce processus pour les patients et le personnel. Une fois créé, ce prototype sera testé par les parties prenantes concernées et peut-être même par des parties extérieures pour recueillir des commentaires critiques. Souvent, les commentaires indiquent de quelle façon il est nécessaire de modifier les solutions, ou s’il faut revenir en arrière et recueillir plus d’informations. Le résultat est une solution qui se concentre sur ce qui aidera le plus le patient.

Résoudre un plus large éventail de défis rencontrés par les patients

Il existe déjà quelques exemples prometteurs de l’utilisation du design thinking pour optimiser l’expérience patient. Par exemple, le département d’obstétrique et de gynécologie de la Mayo Clinic a utilisé le design thinking pour réinventer les soins prénataux. Ils souhaitaient mieux répondre aux attentes et aux besoins des femmes enceintes, qui désiraient mettre davantage l’accent sur l’expérience émotionnelle de la grossesse, plutôt que sur son seul aspect clinique. Grâce à des entretiens et à des observations auprès de femmes enceintes, l’équipe de design thinking a conclu qu’il était extrêmement important pour ces femmes d’avoir le sentiment d’appartenir à une communauté. Le département a donc créé des communautés de soins en ligne, animées par des infirmières et d’autres conseillers en grossesse. Le résultat a été une amélioration globale du sentiment de préparation et d’autonomisation de ces femmes enceintes.

Des éléments de design thinking sont également intégrés dans l’approche d’amélioration des soins de l’hôpital Johns Hopkins. Pour apporter la touche humaine nécessaire à l’amélioration de l’expérience patient, l’hôpital a embauché une équipe de formateurs sur l’importance de l’empathie en milieu clinique, et qui enseignent aux soignants comment mieux communiquer et être plus présents avec les patients. Par exemple, les chargés de formation enseignent au personnel clinique comment rejeter la demande d’un patient lorsque cela est nécessaire (par exemple, une demande de plus d’analgésiques) tout en partageant un message attentionné. Du côté des patients, l’hôpital a créé une équipe de représentants/coordinateurs qui rendent visite aux personnes confrontées à des circonstances inhabituellement difficiles, comme par exemple attente prolongée sans nourriture ni eau avant une intervention chirurgicale. Ce personnel dédié aux patients leur offre un soutien en les mettant en contact avec le personnel soignant adéquat ou simplement en écoutant leurs préoccupations. Ces représentants soutiennent les patients et les encouragent à participer à leurs propres soins. Cela implique souvent d’identifier ce qui compte pour eux et leurs proches et, surtout, de reconnaître le patient dans sa globalité et non comme une condition, ou une maladie.

Le design thinking peut être utilisé pour relever des défis dans une variété de domaines liés à l’expérience patient, comme par exemple réinventer l’expérience d’attente aux urgences. Étant donné que les soins sont priorisés en fonction de la gravité de l’état du patient, les temps d’attente sont difficiles à prévoir. Les patients et leurs familles passent souvent des heures à attendre d’être pris en charge. Le design thinking peut découvrir de nouvelles façons d’aider les patients à se sentir à l’aise et en sécurité pendant ces longues heures d’attente. Une approche qui commence par étudier le point de vue des patients peut donner aux équipes médico-soignantes des pistes sur la façon d’améliorer l’expérience patient au service d’accueil des urgences.

La mission de chaque professionnel de santé est d’améliorer l’expérience patient. Le design thinking est un processus utile pour ce faire, car il oblige les décideurs à faire preuve d’empathie avec les patients mais aussi à faire preuve de créativité, à créer des prototypes et à tester continuellement des solutions à ces problèmes. Apprendre à connaître Mary, et d’autres patients, apporte sans aucun doute des réponses à certains problèmes, comme celui des rendez-vous médicaux non honorés.

Auteures : Sharon H. Kim, Christopher G. Myers, Lisa Allen – août 2017

Lien vers l’article en anglais publié dans la Harvard Business Review le 31 août 2017  : https://hbr.org/2017/08/health-care-providers-can-use-design-thinking-to-improve-patient-experiences

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